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N°22,Article 4:Les vieux jardins de thé du Yunnan

voici une carte


 Le Yunnan est une jolie province située dans le Sud-Ouest de la Chine. Frontière entre le Tibet, l'Asie du Sud-Est et la Chine continentale, c'est un vrai carrefour des cultures. Le Yunnan est aussi le berceau du thé, on y trouve des théiers de tous les ages, sauvages ou plantés par l'homme. Le thé est un produit majeur du Yunnan: on y fabrique tu thé vert, du noir, du blanc, et bien sûr, le fameux Pu-erh. Ce thé compressé en galettes est parfois issu de jardins très particuliers: les théiers ne forment pas des terrasses, on dirait plutôt des champs d'oliviers, bienvenue dans le Yunnan! C'est dans le Sud-ouest de la province que l'on peut trouver ces jardins atypiques, principalement dans trois régions: Lincang, Xishuangbanna et Simao. Sur ces trois préfectures, 14000 hectares de champs anciens, répartis sur des dizaines de montagnes et des centaines de villages. Cela représente environ 4% des champs de thé du Yunnan. Il est difficile de savoir à quand remontent ces jardins anciens, le sud du Yunnan a longtemps été considéré comme une région “sauvage”, dominée par différentes ethnies, celles ci ont pour la plupart une tradition orale, et tout ce savoir à propos du thé a été transmis de générations en générations. on estime que ces champs ont entre 800 et 1300 ans d'histoire, des théiers âgés de plus de mille ans subsistent encore dans ces jardins anciens. Même millénaires, les théiers produisent encore des feuilles, celles ci sont récoltées de Mars à Novembre pour manufacturer le thé Pu-erh. Il arrive que l'on fasse aussi du thé noir à partir de ces vieux arbres mais la manufacture simple du Pu-erh laisse au mieux s'exprimer le terroir des feuilles. A la manière du vin, chaque jardin donne un thé différent, et dans le monde du Pu-erh, la palette de goûts est très large; c'est notamment grâce au travail du temps. Chaque jardin présente un environnement particulier: différents types de sols, différents climats, différente végétation ambiante... Certains poussent à l'ombre d'une forêt tropicale tandis que d'autres sont complètement exposés au soleil. Les champs de hautes altitudes sont souvent au dessus ou à l'intérieur des nuages et, par conséquent, ne reçoivent pas la même quantité de pluie et de lumière que ceux situés dans la vallée. Tous ces paramètres vont donc influer sur le goût du thé. L'âge avancé des théiers, lui aussi, a une influence sur la qualité du thé: les feuilles issus de vieux arbres ont plus de “matière” à relâcher, ce qui donne une liqueur plus puissante et des thés que l'on peut infuser plus de dix fois dans certains cas. On mélange souvent les thés de plantation pour faire ce que l'on appelle des “blends”; cela n'est pas nécessaire en ce qui concerne les thés issus de vieux jardins car ils ont naturellement une grande complexité aromatique. Ainsi, la qualité supérieure de ce thé est liée à deux choses: l'age des théiers et la préservation d'un environnement naturel. Les champs de théiers anciens ne sont pas traités à l'aide de pesticides car la biodiversité ambiante protège assez bien les théiers des insectes et autres parasites. Les engrais chimiques ne sont pas non plus utilisés car l'impact sur la qualité des feuilles s'en ferait ressentir, de plus, un théier de cinq mètres de haut est assez productif naturellement. Dans les années 50-60, la tendance était à l'industrialisation des champs de thé: on a construit d'immenses plantations, sans prendre en compte l'impact d'une telle intensification sur l'environnement et sur la qualité des feuilles. Les plantations intensives produisent du thé de piètre qualité. Depuis les années 2000, la surface occupée par les plantations de thé a doublé, il y a un véritable boom du Pu-erh en Chine, c'est la quatrième phase d'expansion massive des champs de thé dans l'histoire du Yunnan. Les plantations s'étendent mais les théiers centenaires ne peuvent pas suivre la même dynamique, de plus, les amateurs de thé commencent à connaître le Pu-erh, ils sont de plus en plus exigeants, résultat: les plantations sont de moins en moins rentables et les feuilles issues de jardins anciens deviennent très chères. On essaye donc de trouver des solutions Afin d'améliorer la qualité des feuilles, on convertit ces plantations intensives en jardins écologiques. En d'autres termes, on réduit le nombre de théiers par hectare afin de permettre à ceux qui restent de mieux se développer. Ces champs, plus naturels, ne sont pas traités avec des produits phytosanitaires, il faut donc protéger les théiers d'une autre manière. Pour cela, différentes espèces de plantes sont introduites dans le jardin afin d'augmenter la biodiversité et protéger les théiers des insectes. Le rendement à l'hectare est plus faible qu'en plantation conventionnelle, mais ceci est partiellement compensé par une hausse de prix (souvent le double du conventionnel) et est considéré rentable sur le long terme, car une fois les théiers assez âgés (au moins 80 ans), on pourra considérer ces champs comme de véritables jardins anciens, et vendre les feuille beaucoup plus chères. Ce choix fait par les gouvernements locaux et les agriculteurs est un bel exemple de développement durable. Le prix du thé a fortement augmenté depuis l'ouverture de la Chine: les classes moyennes et supérieures chinoises font monter la demande, le Pu-erh du Yunnan est aussi bien un cadeau d'affaire qu'un produit de dégustation pour connaisseurs. La production de thé de plantation est très importante, mais les consommateurs veulent du thé de jardins anciens dont on leur a tant vanté les mérites. Or seulement 17% du Pu-erh sont issus de ces vieux champs: une galette sur six. Par conséquent, il circulent beaucoup de galettes comportant des appellations abusives car un thé de jardin ancien se vend trois à cinq fois plus cher qu'un thé de plantation,sinon plus. Il n'y a pas de technique miracle pour reconnaître les différentes qualités: c'est un long apprentissage; il faut se forger le palais et tester plusieurs dizaines de Pu-erh avant d'avoir un aperçu de la diversité de cette famille. Les vieux champs de thé sont assez bien protégés aujourd'hui pour des raisons économiques: c'est le ''gagne pain'' de villages entiers; pourtant, cela n'a pas toujours été le cas: durant certaines périodes difficiles où le prix du thé était très bas, les agriculteurs ont parfois décidé d'abattre les théiers anciens pour cultiver d'autres choses: du riz, du maïs, de la canne à sucre... Depuis quelques années le prix des feuilles est assez élevé, il est donc peu probable que cela arrive à court terme, mais les plantations d'hévéas prennent peu à peu le pas sur les champs de thé, particulièrement dans le Sud du Yunnan. C'est aussi une culture très rentable, mais aussi dangereuse pour l'environnement; à moyen terme, elle pourrait menacer les jardins anciens si le prix du thé redescendait. Afin de préserver ceux qui sont probablement les plus vieux champs de l'humanité, toutes cultures confondues, il serait souhaitable que les jardins anciens du Yunnan entrent au patrimoine mondial de l'UNESCO, cela permettrait de mieux contrôler le tourisme grandissant et de mieux gérer l'avenir de ces jardins millénaires.
rédigé pour la NPT par William OSMONT
contact: www.bannacha.com

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