Le thé est arrivé dans l’archipel par les moines bouddhistes, qui ont
apporté des graines de théiers à leur retour de voyages d’études dans la Chine
de la Dynastie Tang. C’est entre le 7e et le 8e siècle
que le thé est implanté au sein des nombreux monastères, cultivé par les moines
pour les accompagner et les garder en éveil pendant leurs longues heures de
prières et de méditations. Le thé trouve ensuite sa place à la Cour du Shogun,
qui partage le rituel avec sa noblesse et les chefs de guerre. La codification du
chanoyu par Senno Rikyu en établit les règles de base vers la fin du 16e
siècle, et qui sont restées en place jusqu’à nos jours. Un vrai cérémonial avec
des écoles, leurs maîtres et disciples se développe autour de cette boisson. Ces
traditions sociétales se sont conservées à travers les siècles, pour une
pratique très élaborée et culte, qui réunit des adeptes de la société civile et
qui est encore enseignée aujourd’hui.
en rayon en France |
La production commerciale s’est développée dès le 17e siècle, et
la mise au point du procédé par la vapeur, pour la fabrication de Sencha en
1738 rend le thé accessible à une large partie de la population. Pour
satisfaire la demande des plantations ont été créés en Corée et à Taiwan,
occupées par le Japon pendant une partie du 20e siècle.
Depuis l’urbanisation galopante, le recul des populations rurales,
les technologies modernes, l’arrivée du café, la production de thé n’a cessé de
chuter ; alors qu’il y dix ans le Japon était le 8e producteur
mondial de thé avec 86.000 t en 2009, il est le 10e en 2018, avec
une production de 81.000t, avec le Bangladesh et l’Argentine qui lui sont
passés devant. Le Japon produit aujourd’hui principalement du thé vert et
importe environ 20 % de sa consommation, c’est-à-dire 31.000t en 2018, dont à
peu près la moitié de la Chine, et puis des thés noirs du Sri Lanka, de l’Inde,
du Kenya, de l’Indonésie.
les 4 saisons de récolte |
Néanmoins le thé commence à remonter la pente, malgré la
diminution des surfaces agricoles disponibles, le coût très élevé de la main
d’œuvre et la diminution des populations agricoles, qui ont le savoir faire
incontournable pour cultiver et fabriquer les thés de qualité.
La culture du thé est devenue un vrai enjeu pour le gouvernement,
qui souhaite maintenir cette production agricole noble, au savoir faire
ancestrale et qui a commencé à investir dans la promotion des thés premium à la
fois sur le marché intérieur et à l’export. Encore peu disponibles en Occident,
les thés japonais de qualité premium sont des tasses généralement bien plus
chères que les thés de Chine, du Sri Lanka ou de l’Inde, parce que leur
fabrication est très exigeante, notamment celle des thés ombragés. Il y a un
savoir- faire attaché à la bonne préparation, avec une eau de source très peu
minéralisée et pas trop chaude, afin de faire ressortir les saveurs iodées et
élégantes, umami à souhait et même fruitées, de ces feuilles d’un vert profond.
Beaucoup d’amateurs considèrent qu’une belle tasse de thé japonais
se mérite et ensuite se célèbre. Il faut donc aussi respecter non seulement la
manière de l’infuser, mais disposer également des ustensiles appropriés, comme
on ne boira pas un vin millésimé dans une tasse à soupe. Etiquette, bonnes
manières, savoir faire respectueux et politesse sans faille sont incontournables au Pays du
Soleil Levant.
Avec un climat qui va du tropical d’Okinawa, vers le méridional de
l’île de Kyushu, et puis du sud de Honshu, avec les cultures de Shizuoka vers
le nord où poussent les thés de Saitama, on constate de 4 à 6 semaines de
décalage pour les premières récoltes du printemps, qui s’accompagne de la
floraison mythique des cerisiers. En vue de l’attractivité des premières
cueillettes, les Shincha, ou thés nouveaux, récoltés, selon la tradition de Shizuoka
le 88e jour suivant le début du printemps, ces thés rares et chers
ne sont pas faciles à gérer. Un autre élément à prendre en considération est le
fait que la production du thé au Japon repose en grande majorité sur un seul
cultivar, le Yabukita, aux pousses droites et très riches en bourgeons, idéal
pour la cueillette mécanique, mais plus monotone pour la saveur de la tasse. La
diversification botanique est un objectif important, et de nombreux cultivars
ont été mis au point depuis les années 1980, se prêtant aux thés d’ombres et de
demi ombre, apportant des teneurs élevées en molécules bénéfiques et se prêtant
aussi à des processus de fabrication autres que l’étuvage en sencha. Le
résultat de ces diversifications est une grande richesse et des nombreuses
facettes, qui demandent à être bien communiquées afin de permettre une vraie
éducation des consommateurs. Décidé de valoriser et de partager ce patrimoine,
le gouvernement mène depuis quelques années des opérations de promotion qui
ciblent les marché consommateurs occidentaux « riches » et aux
exigences culinaires établies.
des producteurs lors d'une tea expo |
Parmi ces opérations figure la nomination
d’ambassadeurs de thés verts japonais dans les grandes capitales européennes,
Paris, Londres, Berlin, qui ont une formation professionnelle et sont des
dégustateurs / enseignants de thé diplômés.
Il y aussi l’organisation de concours de
qualité avec des dégustations et des jurys d’experts sur place dans les pays
européens, qui permettent un rapprochement entre producteurs japonais et
consommateurs occidentaux. Beaucoup d’efforts et beaucoup de découvertes à la
clé, comme la Japan Gourmet Tea Paris Selection 2019/2020 (voir à l’article 6
de ce numéro).
A noter qu’en 2018 le Japon a exporté 5.200 t de thé, dont 2.600
vers les USA et 220t vers la France et que la valeur moyenne du thé japonais
exporté s’élève à 27,27 USD/kg, comparé à 11,04 USD/kg pour les thés de Taiwan,
à 2,96 USD /kg pour les thés de l’Inde et à 4,88 USD /kg pour les thés de Chine
(source ITC). !
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