Originaire du Sri Lanka Cally Alles avait obtenu une bourse
pour suivre des études d’ingénieur au Royaume Uni.
toujours très sollicité |
A son retour le jeune diplômé est rapidement engagé dans la
filière du thé à Kandy et Badulla au Sri Lanka et puis on lui propose de travailler au
Rwanda, comme directeur technique aux cotés de Mike Boyd Moss. Cela se passe en
1978 et c’est pour le démarrage d’une grande usine de thé dans le nord du pays.
Au départ il s’agissait d’un projet de développement financé par la Communauté
Européenne, afin de créer des industries dans les pays africains qui avaient
accédé à l’indépendance dans les années 1960/61.
La première étape, engagée en 1970, visait le drainage des marais
importants de Cyohoha et de Rukeri, à proximité de la petite agglomération de
Kinihira, et qui occupaient une partie du plateau à plus de 1 800 m d’altitude,
enchâssés entre les collines. L’objectif était d’étendre ainsi les plantations de thé existantes et puis de construire une usine de
transformation sur place. Le drainage,
plus coûteux que prévu, avait épuisé les fonds et c’est alors que l’OCIR,
l’Office Gouvernemental en charge de la production agricole, s’était adressé à
Joe Wertheim, un importateur américain de thés de qualité déjà acheteur de thés
du Rwanda. Après une longue
négociation Joe Wertheim achète des
terrains, choisit l’emplacement de l’usine sur une petite colline qui domine
les deux marais et le premier bâtiment voit le jour en 1975. Ce complexe est
nommé « Société Rwandaise du Thé », « Sorwathé » en abrégé,
puisque la langue officielle de l’époque est le Français, introduit par
l’ancienne administration coloniale belge.
Avec son « œil de lynx » qui détecte immédiatement
les possibilités d’amélioration du fonctionnement mécanique des machines Cally,
embauché en 1978, apporte ses
compétences et s’investit dans le bon fonctionnement de la nouvelle usine
qui produit, comme toute l’Afrique à l’époque, des thés noirs CTC. Cette qualité
de la fabrication, jointe à une excellente qualité des cueillettes dans ces
plantations en altitude apporte rapidement une belle notoriété aux thés de
Sorwathé, qui emportent souvent les meilleurs prix à la Bourse du Thé de
Londres.
entouré de compatriotes |
Cally est parti du Rwanda pour aller au Burundi en 1981 pour travailler sur un projet de l'Union Européenne visant à améliorer la transformation du thé pour obtenir une meilleure qualité. Il passe ensuite au Kenya comme ingénieur en chef chez Marshall Fowler Engineers où il met au point le premier "fluid bed dryer" de l'Afrique. Après les conflits ethniques il revient au Rwanda en 1996, pour redémarrer la
production. Dès son retour il s’attache à mettre en œuvre des activités pour
contribuer à la paix civile rétablie et visant à motiver les villageois qui
reviennent travailler pour Sorwathé. Rotarien lui-même il est très conscient
des enjeux et obtient de son patron, Joe Wertheim, le financement de la première
Librairie Publique à Kigali, la capitale du pays. Cally met aussi en
route des cours d’alphabétisation qui permettent à plus de 15 000
personnes d’apprendre à lire et à écrire. Sa femme Amithy monte des spectacles de musique pour financer des cours de musique pour les jeunes. Cally est
aussi l’inventeur d’un « rocket stove » un petit braséro alimenté par
des déchets agricoles, qui permet de cuisiner les repas quotidiens à peu de frais.
Toujours à l’affût d’innovations et de progrès Cally
« bricole » son matériel et se lance dès 2000 dans une petite
fabrication de thés verts, une première en Afrique ! Alors que sur place
tout le monde boit du thé noir très sucré et avec plein de lait, il craint l’échec.
C’est le contraire qui arrive, son thé vert est un franc succès. Il me dit que
certains consommateurs l’appellent même depuis « docteur Cally »
parce qu’ils pensent que ce nouveau thé vert les guérit de toute sorte de maux.
Il convainc alors son patron d’investir
et en 2009 une nouvelle installation voit le jour pour compléter l’ancienne usine. Cette nouvelle unité
possède six rouleurs pour fabriquer des thés orthodoxes, soit noirs soit verts.
Les plateaux de ces rouleurs, importés du Sri Lanka, sont en bois de Kitul, un
palmier aux multiples propriétés qui pousse dans la forêt vierge du Sri Lanka
et fournit toute sorte de produits
alimentaires, textiles et autres. Ce bois lourd et très compact évite l’échauffement des feuilles au cours du
roulage, qui peut durer plusieurs heures, soit en continu, soit en répétitif. En 2011 et 2013 les thés orthodoxes noirs et verts de Sorwathé obtiennent des prix d'excellence lors des premières compétitions entre thés d'Afrique organisées à Mombasa .
les nouveaux rouleurs |
Avec toutes ces innovations que Cally a ingénieusement mises
en route au fil des années de son mandat
de Directeur Général de l’usine de Sorwathé il a tout d’abord réussi à porter
ces thés à l’attention des acheteurs Européens. En montrant
que l’on peut produire des thés fins en Afrique , comme les thés noirs et verts
orthodoxes et même certains thés blancs il a également changé les habitudes de consommation locales
en diversifiant l' offre en proposant toute une sélection de thés.
Sorwathé s’est depuis peu lancée dans la production de thés
« bio » sur certaines parcelles choisies avec soins, avec des
installations pour préparer le composte bio ; cet environnement renouvelé a déjà
fait revenir des grenouilles et leurs prédateurs, les hérons gris.
Cette réussite, alors que Cally est délibérément sorti des
sentiers battus, a encouragé les autres unités industrielles du thé au Rwanda
de suivre l’exemple. Certaines usines se sont depuis peu tournées vers des thés verts et vont surement aussi se
mettre aux thés orthodoxes pour leurs parcelles de grande qualité.
un bel assortiment |
C’est en 2012 que Cally Alles prend une retraite bien
méritée en laissant Sorwathé entre les mains de Rohith Peiris, qu’il a formé
pendant quelques années et qui va poursuivre la quête de qualité.
Nommé Consul
Honoraire du Rwanda au Sri Lanka J.C.E. Alles reste un passionné de thé. Très
renommé pour son rôle de pionnier des thés de qualité il accepte encore des
missions de conseil pour partager ses longues années d’expérience.
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