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Le Numéro 52 du 30 Avril 2015: le Sommaire




Article 1 : L’art d’assembler les thés.

Article 2 : Assembler Thés et Plantes,
                 Portrait de Sharyn Johnston.

Article 3 : Les grands Noms du Thé, devenues des Marques renommées.

Article 4 : Mieux connaître les thés CTC, idéals pour les sachets.

Article 5 : La Vanille, par Dominique Cairol.

Article 6 : "Thé, Café ou Chocolat "au Musée Cognacq – Jay à Paris.


N° 52 Art.1 "L’art d’assembler les thés, un savoir faire d’excellence."

Développé par les Britanniques, qui sont des inconditionnels du thé noir, souvent dégusté avec du lait, l’assemblage vise tout d’abord le maintien d’une qualité et d’un prix constant des thés de grande consommation. Ce sont des thés en sachets pour plus de 90% du volume au Royaume Uni et environ 85%en France .

Garder ainsi le profil d’une tasse, donc sa couleur, son goût, sa saveur, sa force et son caractère, d’une récolte et d’une année à l’autre va dépendre du "blend", le terme professionnel.

 Interrogé sur les origines qu’il met en œuvre dans ses cinq gammes de thés, James Pogson, de Northern Tea Merchants, à Chesterfield, Angleterre ,compte sur ses doigts : Inde, Kenya, Sri Lanka, Malawi, Mozambique, Zimbabwe, Indonésie, Rwanda et Burundi, neuf pays, pas mal !
Il a repris les reines de cette société, fondée pas son grand père il y a plus de soixante ans, et son apprentissage de " blender ", avec son père comme instructeur, a duré plus de cinq ans. 
James Pogson, tea blender passionné

Et lorsqu’on n’a pas la chance d’être né dans le thé, comment fait-on ?  Hélas, il n’y a pas d’école pour ce métier, on apprend dans une société, chez un négociant, au sein d’un Tea Board  ; le maître mot : sentir et goûter tout au long de la journée, pour former ses aptitudes sensorielles  et établir son propre répertoire qui sera mémorisé  au fil des années.
Cet univers des thés assemblés est très vaste ; il concerne principalement les thés noirs CTC, généralement conditionnés en sachets et destinés au marché de la grande consommation, le main stream market.
A noter que selon les statistiques internationales ces thés noirs CTC représentent environ 37% de la production mondiale, c'est-à-dire environ 1,8 million de tonnes, en provenance de l’Inde et du Kenya principalement. 
Il n’y a pas de chiffres pour départager la totalité de ces ventes entre thés en vrac et thés en sachets.    Ce marché fonctionne avec une rangée de prix, allant du segment "thé de  marque de qualité premium" jusqu’au segment " premier prix de marque de distributeur". 
atelier d'assemblage
Parfois les différentes origines sont indiquées, comme par exemple sur certains breakfast thés haut de gamme: Assam, Kenya et un peu de Darjeeling, parfois il est simplement précisé qu’il s’agit d’un assemblage de thés noirs de plusieurs origines, laissant plus liberté aux fabricants.
Toutefois il y a aussi des assemblages de thés en feuilles, également nommés thés orthodoxes, notamment les Ceylon Blends, qui assemblent différents thés du Sri Lanka  aux 6 régions théicoles et au plus de 2000  jardins,ou des assemblages de différents jardins du Darjeeling, qui sont tous des  thés de terroir  haut de gamme
C’est « Tee Kampagne », crée par un Universitaire Allemand pour montrer l’exemple d’une structuration en filière courte, qui a lancé ces Darjeeling blends en cartons d’un kg , importés en direct des jardins producteurs à des prix imbattables, en échange d’un engagement sur le volume des achats annuels.
Un autre grand marché de consommation, qui est la Russie, s’est aussi très tôt spécialisé dans les assemblages des thés noirs , préparés en samovar et dégustés bien noirs, donc  sans lait,  avec une forte orientation vers l’ajout de fruits frais et d’agrumes. Chez Kusmi Thé on a préservé toute une longue liste de ces assemblages, crées au fil des années par Pavel Kousmichoff, le fondateur.(voir à l’article 3 de ce numéro)
**A noter que les assemblages sont peu courants dans les pays producteurs, qui consomment le plus souvent  leurs propres thés dans  les régions des récoltes.
**A noter aussi que les thés verts se prêtent généralement moins au blending,
-parce que il n y a pas de thés verts CTC et aussi probablement
-parce que les thés verts en gros volumes, comme les gun powder de Chine, sont calibrés en fonction de leur taille, une configuration spécifique,
-parce que la Chine n’a pas de traditions d’assemblages.
Les assemblages permettent de valoriser  les thés de moindre qualité en tant qu’ingrédient, c’est donc un outil intéressant qui permet de générer de la valeur ajoutée,
** pour certains petits pays producteurs, comme par exemple le Burundi, qui fabrique un thé CTC un peu astringent  mais qui colore superbement la tasse.
**pour des récoltes moins qualitatives
**pour des feuilles de bel aspect mais qui manquent de saveurs, etc.
le "blending wheel" chez Northern Tea Merchants
Quand aux outils de l’assembleur, cela va du mélangeur manuel de 3kg utilisé en atelier, au "blending wheel"  qui contient 200kg, et puis au tambour d’assemblage de 3 tonnes des  grandes structures industrielles. 

N°52 Art.2 "Assembler thés et plantes, formules innovantes et innombrables."


                   Portrait de Sharyn Johnston, gérante de "Australian Teamasters"
Après une longue carrière comme executive woman et des années à voyager partout dans le monde  cette Australienne décide de retourner dans son pays, pour y mener une vie plus calme  avec son mari et son fils. Pendant ses voyages elle avait bien noté que les contacts étaient plus constructifs autour d’une bonne tasse de café ou de thé, et elle a commencé à explorer ces produits.
De retour dans sa ville natale prés de Melbourne, Victoria, elle ouvre un petit comptoir familial pour vendre des cafés fins, torréfiés  par son fils, nommé "Cartel Roasters".
Sharyn, qui a grandi dans une famille où on buvait du bon thé noir au lait tout la journée, a élargi l’assortiment par une petite sélection de thés fins, complétée par quelques mélanges thés et plantes , crées par elle-même.
Sharyn dans son atelier

Le succès est venu rapidement, les installations ont été bien agrandies, et, dit elle en souriant, évidemment je devais dire " adieu " à la vie calme , que j’étais venue chercher .
Son fils Nathan s’est spécialisé dans les cafés fins d’Afrique, avec une préférence pour l’Ethiopie, il a  gagné le championnat australien de la torréfaction et remporte régulièrement des médailles d’or pour ses cafés. 
Sharyn peut donc retourner à sa propre préférence et elle ouvre son comptoir à elle, le "Cartel Tea House", en 2009.  Elle y propose sa collection de 150 thés du monde entier et ses mélanges aux plantes,  mais se heurte vite au manque criard en matière de thé des Australiens. Excellente pédagogue et passionnée par la transmission du savoir elle décide de fonder une institution d’enseignement : 
" Australian Teamasters" naît en 2011, dûment enregistré auprès de l’administration nationale et donc habilité pour former des professionnels tout en étant aussi ouvert aux particuliers.
outil pédagogique 

Rapidement devenu incontournable cet instance apprend tout sur les thés et aussi tout sur les plantes, tout en enseignant également l’art et le savoir pour les assembler. "Les demandes pour des formules sur mesure et des  créations customisées nous arrivent nombreuses, c’est absolument surprenant à quel point ces formules fascinent et les revendeurs et les clients." dit elle.
Cela fait trois fois que Sharyn est invitée en Corée du Sud pour y enseigner son savoir et ses pratiques, on lui a même demandé d’écrire un ouvrage, quand elle aura le temps.
Tout en enseignant elle reste fournisseur et propose une gamme innovante aux 30 formules à base de plantes et aux 20 assemblages thés et plantes, aux dénominations inspirées et parlantes.
Parmi ses objectifs principaux elle compte les suivants :
** gérer des récoltes à qualités inégales d’une plantation donnée en préparant des assemblages judicieux
** apporter de nouvelles notes aromatiques et de goût, pour faire du neuf, tout en suivant l’exemple des grands classiques, que sont le thé à la menthe, le thé au jasmin ou  le thé Earl Gray, à la bergamote
fleurs de calendula 
** enrichir la tasse  avec des effets bien être, basés sur les bienfaits connus de certaines plantes, leurs  fleurs, racines et feuilles avec la mise au point de nouvelles formules, qui rajoutent de la citronnelle, du rooibos, du maté, pour ne citer que quelques unes des centaines  et centaines de plantes qui font du bien et en apportant aussi des couleurs, rose, bleuet ,souci , lavande , la liste est longue.
racine de pissenlit, détox

Elle rappelle  sque certains assemblages  sont très anciens, comme les thés épicés de l’Inde, généralement préparés dans du lait, appelés chai, et dont quelques  uns  suivent des préceptes ayurvédiques. Toutefois l’industrie s’étant emparée de plusieurs de ces recettes, elle conseille d’innover et de défricher et propose ses  cahiers, son herbier et son expérience. 



Elle souligne que ce  marché de niche est sans limites  pour les inventions créatives, il y a néanmoins quelques consignes impératives :
 ** respecter la réglementation
** pratiquer une hygiène rigoureuse.
** trouver des fournisseurs certifiés et qui garantissent qualité et approvisionnement régulier.

N° 52 Art.3 "Les grands Noms du Thé, devenus des marques renommées."

"Mariage Frères"
Des documents anciens permettent de retracer les activités de la famille Mariage jusqu’au 17e siècle, en tant que membres des prestigieux six corps marchands, regroupés par ordonnance royale, à côté des drapiers et des orfèvres. Un siècle plus tard, Jean François Mariage, né en 1766, possède toujours le négoce de thé et de denrées coloniales à Lille où il forme ses quatre fils afin de lui succéder.
Vers 1820 intervient la création de la société Auguste Mariage et Co. Et puis Edouard et Henri Mariage s’installent à Paris le  1er juin 1854 et fondent la société « Thés Mariage Frères », qui vient de fêter ses 160 années d’existence.
Spécialisée dans l’approvisionnement des grandes enseignes de l’épicerie fine et des  hôtels de luxe, les affaires prospèrent pendant plus d ‘un siècle. Les années passent, et puis la société est entre les mains  de la dernière descendante de la famille, Marthe Cottin. Ses ateliers se trouvent toujours rue Bourg Tibourg, à l’entrée du quartier du marais, pas loin de l’Hôtel de Ville de Paris.
Deux étudiants en fin d’études passent par là,  férus de thé ils sont à la recherche d’un commerce à profile de luxe. Une amitié s’établit entre eux et Marthe Cottin, déjà âgée et sans successeur, elle leur cède la société en 1983.
Kitti Cha Sangmanee en 2005
Un nouveau chapitre s‘ouvre:  Kitti Cha Sangmanee et Richard Bueno décident de " révolutionner" le marché du thé français : conseillées par Marthe Cottin, qui a mis son fichier fournisseurs à disposition, ils parcourent le monde pour découvrir de nouveaux thés et continuer à importer les meilleurs crûs.
La boutique vend désormais au détail, les présentations sont soignées et élégantes, mettant en valeur une image patrimoniale, un véritable emblème devenu une icône incontournable.
Un marketing ciblé et une politique très sélective positionne  la marque dans l’univers du luxe depuis plus de trente ans ; un succès magnifique, qui a bien bénéficié  aux autres opérateurs et aux consommateurs avertis, en France et à l’étranger.

"Dammann Frères"
Le document octroyant au Sieur Damame  le privilège exclusif de la vente du thé en France, accordé par Louis XIV en 1692, existe toujours. Au fil des siècles les frères Dammann achètent d’abord un comptoir de thé à Batavia, puis un comptoir d’épices et puis ils ouvrent  un comptoir de thé à New York en 1926.
En 1949 la société française est rachetée par Jean Jumeau-Lafond, qui la spécialise dans le négoce du thé et l’approvisionnement des boutiques de revente en France, dans le domaine de l’épicerie fine. Il lance les premiers thés parfumés: le thé à la russe, pour faire plaisir à son épouse, d’origine russe, et puis le thé à la pomme verte, qui fait un succès  historique au Japon. En 1980 ses  fils, Didier et Jacques Jumeau – Lafond, lancent le sachet cristal® ; en 2005 la maison fournit toujours les épiceries fines et les restaurants gastronomiques, avec un tonnage en augmentation constante.
En 2007 Gruppo Illy, le célèbre torréfacteur italien de Trieste, devient actionnaire majoritaire et lance le premier site de vente en ligne.

En 2OO8 la première boutique de thé de Dammann Frères ouvre ses portes Place des Vosges, franchissant le pas vers  la vente au détail ; une deuxième boutique ouvre en 2009.
Aujourd’hui la marque est présente dans 62 pays, un beau succès.
www.dammann.fr


"Kusmi – Thé"
La maison de thé ouverte en 1867 par Pavel Michailovitch Kousmichoff à St.Petersbourg était un petit magasin offert par son beau père. Initié au thé et à ses assemblages par son premier employeur Pavel déploie immédiatement ses talents de créateur et de gestionnaire. En 1901 il possède 11 boutiques de thé dans toute la Russie, il est riche et parmi les trois principaux opérateurs de ce marché.
En 1907 il envoie son fils Viatcheslav à Londres, alors centre mondial du négoce du thé, où ce dernier apprend à fond le métier et ouvre une succursale. De retour en Russie il reprend l’affaire familiale au décès de son père en 1908 et continue son expansion. En vue des bouleversements politiques en pleine guerre mondiale il décide de transférer fortune et affaires à Londres et à Paris, où la maison Kusmi Thé est installée en 1917. La société continue à prospérer et ouvre des bureaux à New York, Hambourg et Constantinople.
Viatcheslav décède en 1946, et c’est son fils ainé, Constantin, qui lui succède.  Comme il arrive parfois, la 3e génération a la main moins heureuse, n'ayant connu que la prospérité et ses avantages. En effet, c’est au bord de la faillite que Constantin est forcé de céder la société familiale en 1972 à un repreneur français.La marque connaît alors des fortunes diverses .
En 2003 elle est reprise par le groupe Orientis, des frères Orebi, issus d’une famille de négociants en matières premières. Installés depuis 1962 dans l’importation de café et de cacao, au port du Havre, le thé complète parfaitement leur portefeuille.


Cette marque familiale ancienne retrouve alors son lustre ; de nombreuses recettes d’assemblages sont reprises et modernisées ; les boîtes retro, joliment colorées se déclinent dans les boutiques Kusmi, qui jalonnent les plus belles avenues de Paris et se trouvent même dans certaines grandes surfaces. La tradition russe est très fortement mise en valeur et Kusmi tea rayonne à nouveau avec brio et créativité.
www.kusmitea.com

N°52 Art.4 " Mieux connaître les Thés CTC, idéals pour les sachets."


Les experts  débattent parfois  du pour et contre de cette méthode d’usinage, qui est utilisée principalement en Assam et en Afrique de l’Est , notamment au Kenya, les deux  plus grandes régions productrices de thés noirs du monde

Mise au point en 1930 par l’ingénieur britannique McKercher , qui travaillait en Assam en Inde, cette première machine visait l’accélération et l’optimisation de l’oxydation en déchirant les feuilles en petits lambeaux .  L‘ acronyme CTC veut dire exactement : crush, tear , curl : 
broyer, déchirer, rouler, en Français.
Les thés ainsi obtenus donnaient des infusions plus corsées et plus savoureuses, puisque ce déchirement faisait sortir plus de sucs, dont l’oxydation génère couleurs et substances aromatiques. Ce nouvel équipement a ensuite été perfectionné par l’introduction des "rotorvanes", gros tambours tournants sur eux mêmes et munis à l’intérieur de lames acérées.

Avec un tel processus en continu il est devenu possible de traiter de gros volumes rapidement, et puis de baisser le coût de fabrication, car il y a besoin de beaucoup moins de main d’œuvre et de moins de temps . Les producteurs africains et indiens de thés noirs, obtenus à partir de théiers  à grandes feuilles  se sont aussi tôt tournés vers ce processus, à la plus grande satisfaction de leurs clients consommateurs. Des tasses robustes et moins chères, voilà une aubaine pour le marché britannique .
Le Sri Lanka est resté avec les rouleurs traditionnels, ce qui explique le nombre d’usines d’environ 700, contre seulement 120 au Kenya pour un tonnage d’environ 30%   de plus.

Cela explique aussi l’allégation d’une plus grande valeur ajoutée par la manière orthodoxe , qui
travaille avec une feuille de thé laissée intacte au départ, mais qui se brise naturellement, en particules plus ou moins grandes,  au cours du roulage en usine .
Pour les deux méthodes d’usinage un calibrage à la sortie de la torréfaction s’impose  puisque  
la taille des feuilles et particules est un critère de qualité de base.
**pour les thés CTC on classe dans les grades :
BOP: Broken Orange Pekoe, BP: Broken Pekoe, PF: Pekoe Fanning, PD: Pekoe Dust, Dust1,
allant  des fragments de feuilles aux brisures et aux poussières de thé ;
**pour les thés orthodoxes les grades principaux sont les suivants :
TGFOP: tippy golden flowery OP, FBOP: flowery broken OP   GBOP: golden broken OP ,  GOF : golden orange fannings.

Comme vous pouvez le voir sur l’image : pour les grades inférieurs il faut regarder de bien près pour distinguer un thé CTC d’un thé orthodoxe. Les deux se prêtent parfaitement pour remplir des sachets de 1,5gr  voir 2 gr, et ces petites billes et petits fragments infusent vite et colorent bien, d’où le grand intérêt de les assembler avec art pour mettre en valeur leur éventail de qualités.
Avec l’arrivée massive des thés en sachets les thés CTC étaient en forte demande.
 Toute fois depuis l’invention du sachet pyramide, du sachet cristal , de nouveaux matériaux perméables et souples il y a maintenant aussi de nombreux thés en feuilles conditionnés ainsi.
 Un progrès très apprécié par les consommateurs, qui deviennent plus éclairés, plus éclectiques mais aussi de plus en plus pressés.     
  Pour vous donner une approche  chiffrée :
En Inde 91  % de la production  sont des thés CTC, en Afrique   97%, totalisant environ 1,8 million de tonnes de thé, ce qui représente 37% da la production mondiale.
Source : ITC 2014.
broyage ou roulage 

En aucune façon convient-il d’associer les thés CTC à des thés médiocres !! Tout dépendra de la qualité des feuilles mises en œuvre que l’on transforme ainsi.
Pour citer un proverbe de planteur : " Le premier processus de la fabrication du thé est la cueillette. Tu peux détruire une bonne cueillette dans ton usine, mais tu ne pourras jamais faire un bon thé avec une feuille qui n’est pas de bonne qualité "
En version original: "the first process of tea manufacture is tea plucking. You can ruin good leaf in your factory, but you can never make good tea from bad leaf- even with automated manufacture."


N° 52 Art.5 " La Vanille"

Par Dominique Cairol
 La consommation  de la vanille est liée à la découverte du nouveau monde : les Amériques. Comme les différentes plantes potagères issues de ce continent (tomate, haricots, pomme de terre), sa venue en Europe permit d'enrichir la cuisine et elle est devenue très vite populaire. Ce court article résume cette belle histoire qui finira comme il se doit par le thé à la vanille.

Petit rappel historique et botanique

L'histoire de la vanille est associée au cacao puisque les Aztèques l'utilisaient jadis dans  une boisson épaisse préparée à partir du cacao.Selon la légende, Hernan Cortez, le conquérant du Mexique, fut le premier européen à goûter et à découvrir le parfum de la vanille lorsqu’il fut reçu par l’empereur aztèque Moctezuma en 1519.
La première référence écrite connue sur la vanille, ainsi que la première illustration, figurent dans le Codex de Florence aussi dénommé Codex mésoaméricain, rédigé en 1552 par deux « médecins «  aztèques.
C'est au début du XVI siècle, en Espagne, que la vanille fait son apparition. Au XVIIème siècle son usage devient courant. En France, un édit royal daté de 1692 établissait un monopole de cet aromate qui devait être importé par les seuls ports de Marseille et de Rouen. L'introduction en Angleterre auprès de la reine Elisabeth est effectuée par son pharmacien, Hugh Morgan. Celui-ci fait parvenir un échantillon à Charles de l'Ecluse botaniste réputé,  qui en fait la première description naturaliste parue en Europe en 1605.
En 1822, la vanille (V. Fragrans) qui était en culture dans les serres du Muséum d'Histoire naturelle de Paris, fut envoyée  à l'île de la Réunion où sa culture devait prendre un grand développement grâce au botaniste belge MORREN et au réunionnais Edmond ABIUS qui découvrirent, l'un la  pollinisation artificielle, l'autre le moyen pratique  de la réaliser.
Plus tard, à partir de 1880, c’est à Madagascar que la culture prit un grand essor sur l’initiative de son gouverneur, le général GALLIENI,  qui s'intéressait vivement aux questions agronomiques.
Botanique
Cette plante est originaire d'Amérique centrale où on la trouve en zone forestière. Il existe environ 110 espèces de Vanilla connues. Le Bon Jardinier en référence sept qui présentent un intérêt aromatique. Nous retiendrons les 3 espèces suivantes les plus courantes :
**V. planifolia (V. fragrans), la principale espèce productrice de vanille,
**V. tahitensis, vanille tahitienne, à l’  arôme anisé, très odorante et la plus coûteuse,
**V. pompona, cultivée aux Antilles et en Inde, appelée parfois vanillon, considérée de qualité inférieure.
Les vanilles appartiennent à la famille  des orchidacées (ou orchidées). C'est une liane souple  et peu ramifiée, parfois dénommée « vanillier ». La tige forme de longues pousses qui se palissent très bien sur un support, grâce à ses racines aériennes qui permettent à la vanille de s'accrocher. Les feuilles sont longues et charnues.  Les fleurs groupées forment de petits bouquets à l'aisselle des feuilles. De couleur blanche, verdâtre ou jaune pâle, elles possèdent la structure classique d'une fleur d'orchidée. Dans la nature, la constitution spéciale de la fleur fait que la pollinisation ne peut avoir lieu que sous l'influence d'insectes du type abeilles ou encore d'oiseaux-mouches. En Europe, les fleurs n'étant pas visitées par ces animaux spécifiques elles demeurent stériles. Après la fécondation naturelle ou artificielle, la fleur se transforme en une gousse (qui botaniquement est une capsule) pendante, longue de 12 à 25 centimètres. Les gousses fraîches et encore inodores ont un diamètre de 7 à 10 millimètres. Elles contiennent des milliers de  graines  minuscules qui seront libérées par éclatement des fruits à maturité. Pour développer son parfum, le fruit doit subir une maturation après cueillette.
L'apparition des arômes et composition de la vanille
Les gousses sont récoltées vertes et sans parfum. Afin de faire apparaître l'arôme de vanille, elles vont subir le traitement traditionnel suivant :
·      Echaudage,
·      Étuvage pendant 24 à 48 heures,
·      Séchage lent,
·      Calibrage,
·      Mise en bottes et conservation en malles en bois ou en fer blanc.
La vanille naturelle développe un parfum complexe formé de  150 composés différents. Parmi ceux-ci, la vanilline (4-hydroxy-3-methoxybenzaldéhyde) qui forme et caractérise de manière dominante l'arôme de la vanille. La vanilline représente entre 2 et 4 % de la gousse.
Le profil aromatique dépend des conditions de culture et de préparation mais aussi des variétés ou des espèces utilisées. Le vanillon et la vanille de Tahiti ont des teneurs en vanilline relativement faibles.  La vanille de Tahiti, riche en composés divers, bénéficie de la réputation d'une qualité supérieure à la vanille planifolia.
On peut facilement synthétiser la vanilline qui est alors dite de synthèse. Cette vanilline de synthèse peut remplacer la vanilline naturelle, dans ce cas  le produit fini ne peut pas comporter la mention "parfum naturel de vanille". La vanille naturelle représente une part assez faible dans l'aromatisation des produits agroalimentaires, avec une production annuelle globale d’environ 10.000t de gousses en 2012,  face à la vanilline de synthèse et à l'éthylvanilline (10 à 15 000 tonnes par an pour ces deux produits réunis).

Les Propriétés médicinales de la Vanille :

Reconnue comme stimulant le système nerveux, elle était utilisée sous forme d’huile essentielle ou d’infusion contre la dépression et la mélancolie. Elle était aussi recommandée pour favoriser les efforts musculaires ou contre les rhumatismes

Le thé aromatisé à la vanille : L'implantation du thé à île Maurice est due à un homme : Pierre Poivre. Administrateur colonial et agronome entre 1765 et 1792 pour le compte de la France à l'île Maurice (autrefois baptisée Ile de France) et à la Réunion (appelée jadis Ile Bourbon), Pierre Poivre, grand amateur d'épices, rapporte des théiers d'Asie. Les premiers plants sont cultivés au jardin botanique de Pamplemousses à Port Louis. La culture de la vanille se développant un peu plus tard à la Réunion et à l’île Maurice son association avec le thé noir devenait quasi naturelle. La marque la plus connue est le thé Bois Chéri, de la plantation du même nom, aromatise à la vanille.

Autres utilisations alimentaires : La vanille est une plante aromatique dont les usages sont nombreux et dépassent largement le cadre des desserts ; elle s’associe parfaitement avec: le safran, la cannelle et le gingembre, le chocolat, les produits lactés (yaourts, crèmes et glaces), les biscuits et pâtisseries, les boissons (Coca-cola…) et les liqueurs, mais aussi avec des mets salés comme certains poissons et viandes blanches
En parfumerie : notons que de nombreux parfums ont une note vanillée : GUERLAIN : Jicky (1889), Shalimar (1925), Vol de nuit (1945), Samsara (1989), CHANEL : N°5 (1921), Pour Monsieur (1961), CARTIER : Must (1981), CARDIN : Pierre Cardin (1972), COTY : Emeraude (1921), ROCHAS : Femme (1944), Yves SAINT-LAURENT : Opium (1976)...


NB : Il y a une très riche littérature sur la vanille, que vous pourrez consulter sur internet.

N°52 Art.6 " Thé, Café ou Chocolat " au Musée Cognacq-Jay à Paris

Cette exposition ouvrira ses portes du 26 mai au 27 septembre 2015.
Elle  mettra en valeur une sélection des objets de la collection du Musée, rassemblée autour de ces trois boissons exotiques. Toutes  les 3 sont arrivées en Europe aux alentours du XVIe siècle, un art de vivre spécifique s’est développé autour de leur consommation, en famille et en société.
le musée Cognacq-Jay, dans le quartier du Marais à Paris


Pour rappeler que
** le cacao est originaire de l’Amazonie, il  arrive par l’Espagne vers 1585

**le thé est originaire de la Chine, il arrive par la Hollande vers 1610
**le café est originaire de l’Ethiopie, il  arrive par Venise et les Ottomans  vers 1640.

Introduits à la cour dans une première étape, ces boissons étaient des denrées  rares et précieuses, réservées à la famille royale et à l’aristocratie.
Après une mise en place d’importations plus régulières et munis de recommandations des botanistes et médecins de la cour thés, cafés et chocolats deviennent peu à peu des produits marchands ; appréciés au départ pour leurs vertus thérapeutiques ils étaient vendus dans un premier temps par les apothicaires.
C’est par la suite et au fil des expansions des territoires et colonies outre mer que les grandes puissances organisent leurs approvisionnements, pour le thé et le café en premier..
Comment font –ils ?
En se procurant les graines et les plantes dans les pays d’origine, afin de mettre en place leurs propres plantations. L’enjeu économique était considérable, en effet
**c’était l’Empereur de Chine qui détenait le monopole commercial sur le thé, comme sur la soie et la porcelaine,

** c’était le Sultan du Yémen qui détenait le monopole sur le café.
Le thé a été exfiltré par le botaniste écossais, Robert Fortune, qui a réussi à sortir des milliers de graines et des boutures vers 1840, ce qui a  permis d’installer  les premières plantations dans le nord est de l’Inde.

Des grains de caféiers ont été exfiltrées du Yémen par des marins hollandais vers 1640 qui les ont plantées dans leurs colonies bataves, l’Indonésie   ; par ailleurs  une dizaine de caféiers ont été offerts au Roi Louis XV par le Sultan, que l’on  a plantés à l’Ile Bourbon en 1717, d’autres, offerts par les Hollandais ont été installés au Jardin des Plantes à Paris. C’est grâce au Capitaine Gabriel de Clieu que quelques caféiers ont finalement été transportés à la Martinique en 1720, d’où leur propagation dans l’Amérique du Sud a pris son essor.
C’est au cours du XVIIIe siècle que l’approvisionnement devient plus abondant et sécurisé. Certains fournisseurs  importent grâce à des privilèges royaux, comme le Sieur Dammann et les Frères Mariage, en France. A Paris s’ouvrent les premiers cafés en 1672 et Thomas Twining ouvre la première maison de thé à Londres en 1706.
 Pendant ces années  les caisses royales et autres continuent à engranger de lourdes taxes prélevées sur ces denrées exotiques. Trafiques et contrebande s’ensuivent  et il est admis que la forte  taxation sur le thé a été un des facteurs qui ont déclenché la guerre d’Indépendance de l’Amérique en 1775.
Tasses très conviviales, thé, café et chocolat se dégustent en société et suscitent tout un développement au niveau des manufactures de porcelaine, des  ateliers d’orfèvrerie et de l’artisanat de la  table. Thé, café, chocolat et sucre étaient gardés sous clés par les maîtresses de maison, leur préservation appropriée a aussi généré la mise au point  d’accessoires de qualité.
Les grandes maisons d’importation  ont toutes leurs petits musées et collections privées où sont conservés des objets précieux qui servaient à la préparation et la dégustation de ces tasses exotiques.
Depuis les années 1945 les pays producteurs sont tous devenus des structures politiques indépendantes, des accords internationaux régissent maintenant le commerce de ces trois matières premières agricoles tropicales. Et puis c’est l’avènement des multinationales qui a changé la donne, et  thé, café et cacao sont devenus en peu de temps des produits alimentaires de grande consommation. Toutefois  une fraction de 5% à 1O% du marché reste réservée aux grandes origines, aux thés, cafés et cacaos de terroir, à AOP, classés grands crûs. Ainsi est maintenue en partie la noblesse de ces produits et sont  mises en valeur les traditions de production anciennes de  leurs contrées d’origine.

L’exposition vous fera découvrir les multiples agréments et raffinements  sociétaux que ces produits ont apporté au siècle des lumières en France et en Europe.