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Le Numéro 53 du 30 Juin 2015: le Sommaire

Article 1:"Les célèbres Thés du Darjeeling, toujours aussi recherchés"

Article 2:"Les Thés prêts à boire ou RTD,
                 Portrait de Barry W. Cooper

Article 3:"Les Thés Longjing AOP"

Article 4: "Les Thés fraîcheurs de l'Eté".

Article 5: "Un Hortensia japonais de Montagne, aux feuilles intensément sucrées".

Article 6: "Deux tout récents Ouvrages:
                  le Thé comme Source de Convivialité et comme Thème de Voyage".

N° 53 Art.1" Les célèbres thés du Darjeeling toujours aussi recherchés."

Ces 86 jardins enregistrés ont déjà fêté leurs 150 ans d’existence pour la plupart et  continuent à produire des thés délicieux.
Rigoureusement encadrées par le dispositif de contrôle d’origine du Tea Board of India et mises en valeur par un joli logo, leurs quatre récoltes annuelles font la joie des amateurs de thé.
C’est en Europe, au Japon et aux Etats-Unis principalement qu’on est prêt à débourser le prix élevé de ces thés, justifié par la rareté de ces tasses exquises. C’est peu courant de les trouver sur place, où l’on consomme surtout les thés plus abordables des autres régions, Dooars et Terrai, Assam,  l’Inde du Sud et Kangra.

Beaucoup de choses ont changé depuis  le retour de la Chine sur le marché du thé dans les années 1980/90 et l’énorme augmentation de la production de thé dans le monde, qui a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 4,9 millions de tonnes en 2013.
Et le Darjeeling dans ce contexte ?  Avec une production qui tourne autour de 10.000 t , bon an mal an, cela représente à peine 0,2%  du total mondial actuel!!


Bordée par les sommets des contreforts de l’Himalaya et ravinée par des fleuves turbulents qui descendent des hauts plateaux, cette région d’à peine 3.200 km² n’est pas extensible ! Les jardins de thé établis sur les pentes  et versants des collines ont en plus besoin des forêts environnants, pour leur biodiversité et leur interaction avec le soleil, le vent, les pluies et le tempêtes de grêle,  fréquents  dans ce micro climat particulier. La règle de jadis qu’il faut 2 ha de forêt pour 1 ha de thé semble  de moins en moins respectée. Et par ailleurs il y a les villages des cueilleurs, installés au sein des plantations, qui ont besoin de leurs cultures vivrières, potagers et champs de céréales, pour se nourrir, des près pour leurs animaux.
théier ancien

Les 86 jardins enregistrés à ce jour par le Tea Board ainsi que les quelques coopératives n’ont donc qu’environ un petit tiers des surfaces cultivables à leur disposition pour leurs plantations de thé ! Un autre facteur qui pèse lourdement sur le volume de production est la baisse du rendement, qui suit la mise en culture bio, sans pesticides et sans fertilisants chimiques ; la première année cela peut faire perdre jusqu’à un tiers du volume, pour se rétablir en suite, mais sans jamais atteindre les récoltes antérieures. Aujourd’hui on nous dit que plus de 95% des plantations sont passées en bio.
Et puis, il y a aussi le vieillissement des théiers qu’il faut remplacer au fil des années. Cela fait beaucoup de soucis pour les directeurs des plantations et les propriétaires, qui doivent investir et gérer.
Aujourd’hui beaucoup de jardins appartiennent à des familles  venues du Rajasthan, réputées être des travailleurs infatigables et des gestionnaires pointilleux. Posséder plusieurs jardins facilite aussi souvent la gestion et parmi les plus gros citons: les Lohiya  qui ont 13 jardins, dont Chamong, Phoobsering, Tukdah…,
 les Bansal qui  en ont aussi 13 avec Ambootia, Happy Valley..,
 les Mohan qui en ont 7 avec Seeyok, Selimbong ….,
les Jayshree , qui en ont aussi 7, avec Puttabong, Singbulli ….
Rajah Bannerjee

 le groupe britannique Goodricke qui en possède 5, avec Margaret’s Hope, Castleton ….
Ces gros propriétaires habitent tous en ville, à Calcutta ou même à Delhi ; les seuls qui sont toujours restés sur place, par passion pour le thé, par solidarité pour les villageois  et par choix personnel sont Rajah Bannerjee, le mythique patron de Makaibari,www.makaibari.com
 et Shiv K. Saria, qui possède en famille  Rohini et Gopaldhara  www.gopaldharaindia.com
Shiv K. Saria

Pour rajeunir et diversifier les planteurs  ensemble avec les scientifiques et les agronomes du Tea Board ont cherché des solutions dans la botanique, en introduisant de nouveaux cultivars.






un clonal Jungpana

A l’origine les théiers du Darjeeling étaient tous  des « china jats », émanant des graines et des boutures apportées de Chine par Robert Fortune, vers  1845/55.
Plusieurs essais ont été fait depuis une vingtaine d’années et c’est le cultivar AV2, introduit en 1978 par M.T.S. Tiwari, rejeté au début par les acheteurs allemands, qui réunit maintenant tous les suffrages. Originaire de l’Assam, mais développant un plus petite feuille dans le rude climat des altitudes, ce théier a un excellent rendement et une pousse vigoureuse, très riche en bourgeons. De plus ce climat aux nuits fraîches stresse très fort  les arbustes, ce qui  provoque le développement d’une grande palette de qualités gustatives. D’autres cultivars sont en exploration, donc il y aura encore des surprises à venir.
Ces quelques lignes cherchent à  montrer la richesse de ce terroir et le caractère exceptionnel de ses récoltes  en quantités restreintes, qui expliquent leur attrait et leur prix.




N°53 Art.2 "Les thés prêts à boire, ou RTD- Ready to Drink." Portrait de Barry W. Cooper, fondateur de Cooper Tea


Le thé prêt à boire est devenu une boisson ultra tendance outre atlantique, où plus de 75% des thés sont consommés froids, voir glacés. Parmi les pionniers de ces cannettes de qualité se trouve Barry Cooper, qui a crée Cooper Tea à Boulder, au Colorado,  en 2003
Non content de trouver ainsi son portrait partout, il a racheté la start up Third Street Chai fin 2014, et qui propose exclusivement des thés bios, durables et équitables, le summum du haut de gamme, en petites séries.

Au vue des statistiques pour 2013, présentées par la direction d’AvT, Tea Services, à Londres, RU, la consommation annuelle par habitant de thés prêts à boire est comme suit :
Au Japon : 41 li, à Taiwan : 36 li, aux USA : 14 li, en Allemagne : 12 li, en Italie : 10 li et en Chine : 4 li.
Le potentiel de croissance est considérée comme très important, cela au détriment des sodas sucrés et aussi des boissons alcoolisées.


Le siècle passé a vu le  cheminement du thé infusé dans la théière et à l’eau chaude, vers des boissons rafraîchissants à base d’extraits de thé, mises sur le marché à partir des années 1960 en conditionnements familiales, jusqu’au lancement des thés prêts à boire préparés à partir de feuilles de thés infusées. C’était à New York, en 1972, la fameuse bouteille Dr.Pepper’s Snapple. En Europe les choses se sont passées plus lentement, les traditions du thé chaud  étant trop ancrées.
 En Asie, où se trouvent les pays producteurs de thé les thés de qualité en petites bouteilles sont installées depuis plus de 20 ans, comme le café glacé d’ailleurs.
des données intéressantes

Barry Cooper, qui est né en Angleterre et a ensuite grandi au Kenya, est devenu tea master et a ensuite passé de longues années  comme « tea scout » pour le géant du thé Lipton. Ainsi il était parmi les premiers à retourner au Vietnam, après la fin de la guerre, pour explorer l’état des plantations de thé, installées par les Russes dans les années 1950  et à défricher les thés de l’Indonésie. 
Il raconte ses exploits dans un ouvrage original, amusant et réellement instructif :" Silver spoons, mad baboons and other Tales of Tea ", 
qui a été primé comme meilleur livre américain  sur le thé en 2009. Il y raconte aussi ses voyages en Amérique du Sud, Afrique du Nord et Asie du sud est afin de trouver des approvisionnements en qualité et volume appropriés pour permettre à Lipton de se lancer dans les sachets aux plantes et à tisanes dès 1980.
Les années passent, il est installé aux USA, marié à une belle Texane et a trois jeunes enfants quand  le concours des circonstances lui permet de se lancer vers la fabrication des thés prêts à boire et de créer sa société et sa marque. Il souligne avec un sourire qu’il a suivi le même cheminement que le  thé : d’abord en travaillant pour la tasse de qualité infusée à chaud, puis pour  la tasse glacée, puis en introduisant les infusions , c’est devenu le mélange thés et plantes. 
A chaque étape il a eu l’occasion d’approfondir sa connaissance des produits mis en œuvre et du produit fini et a aussi rencontré les opérateurs importants dans les différents secteurs du marché. Avec cet éventail de plus en plus large de compétences et un réseau de patrons, d’amis et de concurrents  il s’est finalement tourné vers ce créneau des thés prêts à boire en créant Cooper Tea. Il a fallu veiller au développement des technologies appropriées et il détient plusieurs brevets dans ce domaine. Très près de marché il est convaincu que la praticité reste indispensable mais que les motivations de la santé et du  bien être deviennent de plus en plus incontournables. Les jeunes , que l’on appelle les « Millennials » aux USA, ne veulent plus des sodas sucrés, ils cherchent des produits plus propices pour une bonne santé et une bonne hydratation ; ils sont aussi de plus en plus ouverts aux besoins des producteurs souvent défavorisés du sud et à la nécessité de respecter l’environnement, et donc d'accord pour payer le prix assez élevé pour les petites bouteilles qui ont les certifications appropriées. Third Street Chai en propose, et comme la start up avait besoin de fonds il l’a rachetée fin 2014 pour l’aider a se  mettre sur orbite. C’est à la fois heureux et fier que Barry nous montre le récent référencement de cette jeune marque par la célèbre chaîne Whole Foods, un vrai succès pour ces thés.
En France  les thés prêts à boire haut de gamme sont généralement importés de Taiwan et de la Chine et on les trouve dans les supermarchés asiatiques; il n'y a pas encore de producteurs nationaux, comme il y en a en Allemagne, en Italie et en Autriche. Une page blanche, qui attend les créateurs.



N° 53 Art.3" Les Thés Longjing AOP".


Lors d’une récente dégustation de thés verts primeurs chez Thés de Chine un Longjing du terroir de Yuezhou, situé en altitude, se distingue par sa tasse vraiment exquise. Des notes intenses de châtaignes grillées , une texture veloutée et longue  en bouche, des jeunes feuilles de petite taille qui dénotent une récolte très printanière.
feuilles inimitables, c'est bien le thé du milieu
 Cette grande qualité justifie amplement le prix assez élevé de cette tasse d’exception. Vivien Messavant qui l’a ramené de son voyage d’approvisionnement en avril passé, rappelle que le thé Longjing est le seul thé chinois qui bénéficie actuellement d’une AOP– Appellation d’Origine Protégée. Cette AOP a fait l’objet d’un cahier de charges très détaillé, qui est résumé dans un texte consultatif de la Commission Européenne, dans le JOCE C 254 du 22 septembre 2010, alors que  l’attribution du qualificatif a été accordée ensuite en mai 2011.
Il est tout à fait intéressant de voir la description des qualités sensorielles requises pour les grades  qui vont de "spécial" à "grade V": pour ce thé vert très typé et facilement reconnaissable, qui a été lancé sur les marchés européens dans les années 1995. Le texte fait état de l’histoire de ce thé qui est originaire des collines qui bordent le Lac de L’Ouest, Xi Hu, et dont la cueillette et la manière de le façonner remonte à la dynastie Song (960 -1279). Or sous les Song du Sud c’est la ville de Hangzhou, située sur les rives de ce même lac, qui devient pour un certain temps la capitale de l’empire. C’est donc naturel que ce thé délicieux se trouve projeté dans l’actualité de l’époque, il devient un thé « tribut » dont les meilleures cueillettes sont réservées à l’Empereur et sa cour.
Dans les années 1980/90 la Chine a repris ses traditions autour du thé , pour renouer avec un passé prestigieux qui avait énormément souffert de la révolution culturelle . C’est en relançant ses nombreux thés de terroir , les Ming Cha, qu’elle a montré ses richesses fabuleuses, et c’est alors que l’Occident a découvert, ou redécouvert, les 6 familles de thé et les 10 000 thés de Chine.  Pour exporter il fallait un thé délicieux, très typé, différent des thés fins connus, comme les Darjeeling et les grands thés noirs de Ceylan. 
les cultivars au TRI de Hangzhou
Il fallait aussi une production de volumes importants, et pour s'en assurer  des variétés clonales robustes et à fort rendement  ont été développées par l’Institut de Recherche de Hangzhou.La plus connue en est le Longjing 43 . Cette culture a été mise en route à grande échelle, et on trouve maintenant aussi du Longjing à Taiwan et au Yunnan.
variations sur le même thème

Ce thé plaît énormément, avec ses jolies feuilles plates, sa cueillette fine, ses notes de châtaignes et noisettes grillées, sa texture veloutée et les arômes typés que dégagent la tasse. Pour lui re-donner des lettres de noblesse il a été proposé de définir les anciens terroirs de production comme régions  attitrées et délimitées. Ainsi  sont confirmées trois aires géographiques précises et toutes situées dans la province du Zhejiang, comme suit :
** la région de XiHu et les alentours de ville de Hangzhou,
**la zone de culture de Qiantang
**la zone de culture de Yuezhou, située plus en altitude .
Il est prévu que la dénomination "Longjing Cha" doit s’accompagner de l’indication de l’aire de production sur l’étiquetage, pour bénéficier de l'AOP.
La cueillette doit répondre aux trois grandes principes suivants: précocité, délicatesse et diligence. Le processus de fabrication, qui prévoit ce travail si précis de l’aplatissement de la feuille au wok, est aussi décrit dans le détail, même si aujourd’hui il s’agit généralement d’une torréfaction mécanique .
 Quand on cherche à en acheter dans les comptoirs de thé , on constate parfois que les prix varient énormément . Il y a donc les Longjing tout venant et  puis les  Longjing AOP, qui sont bien entendu les plus exquis.
toujours en tête de liste !

Les petits volumes des cueillettes précoces ne franchissent pas les frontières ; ces lots se vendent aux enchères en Chine, à des milliers d’Euros pour 100 gr !! Le thé Longjing continue à caracoler en tête des ming cha et est recherché en Chine et en Occident.
Ces quelques lignes cherchent à mettre les choses en perspectives afin de bien choisir ses tasses : il y a des Longjing pour tous les jours et il y en a aussi pour le dimanche !

N° 53 Art.4" Les Thés Fraîcheurs de l'Eté".


Comme chaque année, quand les températures montent et les vacances s'appoprochent, la NPT vous propose de préparer vos thés à la fraîche !
En Amérique du Nord cette habitude du "ice tea" est très ancienne. Elle remonte à 1904, et aux USA et au Canada les thés se boivent « glacés » pour respectivement plus de 70% et plus de 60%. Là bas soit c’est un thé prêt à boire, que l’on attrape en passant, pour l’avaler on the go, soit il est préparé à la maison ou ailleurs, avec des feuilles ou des sachets, et puis à peine infusé, on lui additionne force glaçons pour le refroidir !

En Europe par contre la tradition de thé chaud est encore très courante. C’est seulement depuis une dizaines d’années et lorsque l’été arrive qu’on pense aux thés fraîcheur. Et là, il devient très usuel de s’y prendre un peu à l’avance et d’infuser ces thés à froid.
En France notamment, l’eau du robinet est de qualité irréprochable, et de plus elle est souvent  achetée en bouteille, il n’y donc aucun souci d’hygiène qui obligerait à faire bouillir.
Cette approche choque parfois des personnes des autres continents, ainsi Sharyn Johnston, la fondatrice de « Australian Tea Masters », que la NPT vous a présentée dans le numéro précédent, s’est écriée : "jamais jamais doit on infuser sans faire bouillir l'eau, c’est un risque sérieux, il faut penser aux microbes !! quelle idée d’infuser directement à froid, how shocking !"
Quoi de plus amusant que de se préparer sa bouteille de thé fraîcheur, en choisissant dans ses boîtes en fonction de l’humeur du jour : un thé noir un peu fumé, un thé vert doux et iodé, un thé blanc délicat….et puis aussi les mélanges, soit thés aux plantes, comme un thé vert à la mente, un thé noir citronné, soit plantes toutes seules. Toutes les marques  proposent des thés fraîcheurs, en sachet ou en vrac, de quoi se faire plaisir.
un concentré de thé fraîcheur

 En cette période estivale où il est vraiment important de s’hydrater suffisamment et de boire plus que d’habitude, les thés fraîcheur sont une solution parfaite.
A noter au passage, que le thé contient de la caféine et qu’il est judicieux d’en tenir compte.
Comme pour le thé du soir, pensez aux Wulongs, qui en contiennent généralement assez peu !
Les recommandations pour les infusions à froid portent
** sur la quantité : pour assurer une bonne présence de saveurs il faut mettre entre 15 et 20 gr de feuilles pour 11/2 litre d’eau ;
**sur la duré :  elle est courte , 1h à 2h30, pour  les thés à cueillette fine et peu transformés; à se souvenir que certains thés verts du Japon s’infusent à moins de 60° et que c’est même en train de devenir une mode de les infuser à température ambiante ;
A noter aussi que ces deux paramètres sont complémentaires : quand on prépare son thé la veille, le temps plus long permettra de mettre en oeuvre moins de thé, c’est donc plus économe.
La couleur aussi est un aspect qui peut intriguer, voir surprendre, voir rendre ces verres vraiment très tentants et appétissants.

Ces thés fraîcheurs dans leur diversité à l’infini se partagent sans modération ! Il faut les boire dans la journée, il est formellement déconseillé d’en garder pour le lendemain ; la boisson s’oxydera et le goût pourrait s’altérer. A noter qu’il ne viendrait à l’idée de personne de garder  pour le lendemain un thé préparé dans une théière classique .
Les thés fraîcheurs cherchent à vous hydrater et à vous rafraîchir, ces verres ne contiennet pas d’alcool.
Par contre il y a aussi des idées formidables pour préparer des cocktails au thé, à découvrir dans l’article 6 de ce même numéro.

N°53 Art.5 "Amacha": une infusion de feuilles d'un Hortensia Japonais de Montagne.

Un peu d’histoire botanique : - trouvée sur wikipedia –
L’hortensia est originaire d’Asie orientale où il est cultivé et peint depuis des siècles. Les premières descriptions d’hortensias en langues occidentales sont le fait de deux médecins naturalistes, d’abord Kaempfer(1712) puis Thunberg (1784), qui purent se rendre quelque temps à Nagasaki, le seul port du Japon ouvert aux étrangers à l’époque . À la même époque (1789 ou 1790) Sir Joseph Banks et Slater introduisent des hortensias vivants de Chine dans les jardins de Kew en Angleterre. Le rapprochement avec les Hydrangea de Linné est fait et James Smith, de la Linnean Society, les dénomme Hydrangea hortensis.

Au Japon, les travaux pionniers sur la flore nippone de Kaempfer et Thunberg sont poursuivis par un autre médecin naturaliste, Siebold. Lors de son séjour à Nagasaki, de 1823 à 1829, il rassemble une grande collection de plantes. En 1829, il publie la description d’une plante cultivée localement qu’il nomme aussi Hydrangea hortensia Siebold. Siebold fit un second séjour au Japon en 1859-1862 et envoya en Europe nombre de plantes. Celles-ci furent multipliées dans sa pépinière près de Leyde et distribuées dans beaucoup de jardins botaniques d’Europe. La plante envoyée du Japon par Siebold étant plus petite que celle rapportée de Chine par Banks, il fallut un certain temps avant que les botanistes soient convaincus d’avoir affaire à la même plante ; la forme japonaise est appelée Hydrangea macrophylla’Otaksa’ et la forme chinoise H. macrophylla ‘Joseph Banks’.
Enfin, Seringe fusionne les genres Hydrangea et crée le nom toujours en usage d’Hydrangea macrophylla (Thunb.) Ser. Ainsi le terme hortensia disparaît à la fois des noms de genres et d’espèces dans la nomenclature scientifique et ne survit finalement que dans la langue commune.
L’hortensia japonais de montagne, que la NPT veut vous présenter :
Selon la majorité des  sources il s’appelle Hydrangea Macrophylla Seringe, var. Thunbergi Makino ; on nous dit qu’il est aussi commercialisé dans des jardineries en Amérique du Nord pour ses belles inflorescences.

Dans les régions montagneuses au nord du Japon cet hortensia particulier est cultivé depuis de siècles, non pas pour sa beauté mais pour la richesse de ses  feuilles en substances édulcorantes. Jadis on les utilisait pour en faire un sirop, qui servait à sucrer les aliments.
De nos jours encore les feuilles servent à préparer une infusion appelée Ama Cha, ce qui veut dire : thé sucré. Cette boisson est délicieuse et les moines la servent aux visiteurs des temples lors de la fête traditionnelle de l’anniversaire du Bouddha, le 8 avril.
Encore peu connu en Europe et disponible en petites quantités seulement, un Ama Cha du village de Kunohe, dans la préfecture d’Iwate, a gagné un trophée d’or 3 étoiles, lors de la sélection britannique du  « Great Taste Award » en 2012.

Les jeunes importateurs sont alors allés visiter les lieux de production, pour évaluer les possibilités d’une production accrue. Ils ont vu les champs cultivés en altitudes, où ces hortensias s’épanouissent pour atteindre environ 1m de croissance avant que les fermiers ne démarrent la cueillette en début du mois d’août. Cette  plantation bio produit environ 4.000kg de feuilles fraîches, ce qui donne environ 800kg de feuilles sèches à infuser.
Comme pour le théier, on enlève aussitôt les fleurs qui se développent sur les arbustes, afin que toute l’énergie de la plante soit dirigée vers le feuillage.
Les molécules intéressantes sont les phyllo dulcines, au pouvoir sucrant intense ; ces feuilles contiennent aussi des tannins mais pas du tout de caféine, contrairement aux feuilles du théier.
Pour que la feuille puisse développer les substances sucrantes et les autres composants chimiques qui caractérisent son goût et génèrent ses effets bénéfiques pour la santé, il faut une certaine oxydation. Le processus est très proche de celui d’un thé semi oxydé : d’abord les feuilles sont laissées au soleil, aspergés régulièrement d’eau fraiche afin de se flétrir en douceur, ensuite on les malaxe – comme on fait subir un roulage au rhé- et roule les feuilles dans de grands pans de coton, que l’on continue à presser régulièrement pour faire sortir les sucs des cellules.

Ces gros paquets enrobés de tissus sont ensuite stockés pour plusieurs jours dans des récipients en bois, pour que les flaveurs se forment et que les composants de l’oxydation se stabilisent.
Sans doute c’est au nez et au toucher que les fermiers savent quand « c’est bon », les feuilles sont alors sorties de leurs ballots  et laissées sécher, soit dans un four soit dans l’ombre sur des clayettes  à l’air libre ; une fois ce séchage terminé, les feuilles ont pris une teinte brune et le produit est prêt.
De nombreuses études scientifiques d’experts japonais ont porté sur les possibilités thérapeutiques de la tisane préparée à partir de ces  feuilles, sans résultats spectaculaires ni recommandations pour une culture intensive. Selon les traditions populaires on continue à attribuer à cette tisane le pouvoir de prévenir les allergies, de favoriser l’équilibre métabolique, appelé homéostase et aussi de lutter contre la paradentose.
Pour les amateurs de nouveau-thés, et qui se portent bien, cette tasse est surprenante avec ses notes de sucre et de miel vraiment intenses, accompagnées de notes un peu reglissées et d’une très légère astringence du fond.  Lorsqu’on s’interdit le sucre, on peut  aussi ajouter quelques feuilles d’Ama Cha pour adoucir un thé très amer.


N°53 Art.6"Deux tout récents ouvrages: le thé comme source de convivialité et comme thème de voyage"



En ces jours de canicule, voilà « Tea –Tail Party » de Lydia Gautier et Victor Delpierre, Editions Hachette Cuisine, sorti début juin 2015 : très joliment illustré ce petit volume contient 50 recettes de cocktails à base de thés et tisanes, qui dit mieux ?! avec et sans alcool, en majorité à déguster froid.
www.lydiagautier.com
L’introduction rappelle les ingrédients de base en faisant bien la distinction entre
**les thés, qui viennent tous d’une plante nommée camellia sinensis et que l’on classe généralement en 6 familles, selon la couleur des feuilles et des tasses,
**les plantes, fruits et fleurs, qui ne proviennent pas du camellia, tel que le rooibos, parfois appelé thé rouge et le maté, parfois appelé thé des jésuites, et puis la menthe, les épices,les agrumes etc.
Les conseils pratiques sont fort utiles pour toutes les préparations du carnet des recettes, quelles soient faites maison, ou servies par des pro de la gastronomie, hors domicile. C’est la panoplie des ustensiles des « pros » du bar qui fait rêver et donne des idées  et des envie pour un équipement sophistiqué. 
Lydia Gautier avec son livre

Il en de même avec les beaux visuels de Jean-François Mallet , qui mettent l’eau à la bouche, fouettent les papilles et permettent de s’imaginer les divers arômes, provoquant envie et créativité des lecteurs.
Agencé en 5 chapitres, le carnet propose d’abord
**9 recettes classiques, allant du thé au beurre salé du Tibet au thé vert à la menthe du Maroc,
**puis 10 recettes pour Carafe ou Punch Bowl, plus élaborées,
**suivies de 11 cocktails classiques « revisi-thés », du Chinese mojito au Kir au Darjeeling
**puis 11 cocktails signature et
**pour terminer, 9 cocktails rituels.
Une mine d’idées, pour surprendre famille et amis, et pour déguster des verres innovantes au bar. 
Des cocktails parfumés, colorés, aux noms exotiques, mais sans alcool, quelle bonne idée pour les soirées à forte chaleur.
Et puis,au cas où que tous les ingrédients énumérés ne sont pas disponibles, faites le tri dans vos stocks et ajustez, why not ??

Pour vous évader loin, voilà « La Route du Thé - du Yunnan et du Sichuan aux confins du Tibet" de Julie Klein et Philippe Devouassoux, paru en avril 2015 aux Editions Transboréal et présenté par la Librairie le Phenix.
www.librairielephenix.com 
Ce jeune couple tout juste trentenaire, a marché pendant 6 mois sur les traces des anciennes caravanes qui transportaient les galettes de thés compressés au Tibet , en provenances des plantations situées  et dans le Yunnan et dans le Sichuan. Ils sont fait ce voyage incroyable au printemps 2009, traversant une Chine reculée et rurale, interrogés régulièrement par la police, qui les prenait pour des espions. 

Leur formation d’ingénieur, agronome pour Julie, en mécanique pour Philippe, enrichit considérablement leurs observations et ouvre des regards neufs sur cette partie de la Chine , habitée par de nombreuses minorités et  en plein développement; des perspectives inhabituelles et vraiment intéressantes. 
La lecture est agréable et la plume enlevée pour  relater leurs expériences personnelles au cours de leurs marches journalières, 6 mois et près de 3 000 km , à pieds, un exploit physique et une vraie gageure.  C'est un défilé de rencontres avec les habitants des petites villes, villages et hameaux, qui étaient  nombreux à voir ainsi des Européens blancs pour la première fois, avides de contact et heureux d'échanger .
Le thé sert de trame et de fil rouge pour cette marche sur des chemins et sentiers qui grimpent des plaines jusqu’aux hauts plateaux tibétains. Dans des paysages magnifiques et isolés ils  longent les gorges du Mékong et du Yangtsé, qui  prennent leur source sur ce haut plateau à 5 000 m d'altitude. C’est un récit de voyage original et passionnant, qui suit  les pas des anciens caravaniers du "Cha Ma Gu Dao". 
 Une autre manière de souligner l'importance de ce breuvage ancestral qu'est le thé et de démontrer à quel point le thé est indispensable, voire irremplaçable,  pour le bien être de certains peuples  et populations.