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No 68 Art.2: Le théier et ses feuilles précieuses, enjeux et nouvelles technologies : Portrait de Nigel Melican, fondateur de Tea Craft et 2018 Tea Person aux USA


 Le passage de la cueillette sur des arbustes sauvages à la plantation et la culture de l’arbuste par l’homme, il y a environ 2.500 ans, fait l’objet de nombreuses légendes, toutes liées à des inspirations divines : le thé est donc considéré depuis toujours comme un cadeau des dieux. Encore aujourd’hui les minorités du "triangle d’or", où la Chine, l’Inde, le Vietnam, le Laos et le Myanmar se partagent les frontières, célèbrent des rituels anciens à l’aide de préparations de thé, leur boisson ancestrale et leur totalement incontournable tasse du quotidien. 
 Sans doute cela est étroitement lié à la caféine et son effet stimulant, aux polyphénols et leur effet anti-oxydant, à la théanine et aux tannins. Plante à exigences précises, notamment en température et pluviométrie, sa zone de culture est limitée et va d’environ 30° au Nord à environ 30° au Sud de l’équateur. La plante a par ailleurs su s’adapter au fil des siècles à de nouveaux environnements, en descendant de contreforts des hautes montagnes vers les plaines et puis vers des régions plus maritimes. Cela a permis son installation dans une vingtaine de provinces chinoises et puis son introduction au Japon et en Corée, où le théier prospère depuis plus de mille ans. C’est seulement dans la 2e partie du 19e siècle que le théier a été acclimaté en Inde, à Ceylan, en Indonésie, au Bangladesh et puis aussi en Afrique de l’Est, en culture commerciale gérée par les puissances coloniales. C’est au début du 20e siècle qu’il a réussi à conquérir les côtes de la Mer Noire et de la Mer Caspienne. 
Depuis une vingtaine d’années le théier est arrivé en Amérique du Sud et depuis une dizaine d’années il fait fureur en Amérique du Nord, bien entendu uniquement dans des régions parfaitement délimitées, et qui bénéficient d’un microclimat chaud et humide. De telles zones existent aussi en Australie et même en Europe : les Açores, l’Ecosse, la Cornouailles, ce qui a séduit certains agriculteurs pionniers à s’y lancer dans la culture du thé.
Au cours de ce long voyage à travers les millénaires et les continents la plante s’est diversifiée par adaptation et croisements naturels jusqu’à sa prise en main par la science des botanistes et des agronomes : en Chine il y a une vingtaine de Chaires de Tea Science, le Tea Research Institute (TRI) de Tocklai, Assam, Inde a fêté son centenaire en 2008 et la Tea Research Foundation du Malawi a été fondée en 1941….
Les principaux nouveaux défis visent la plante avec l’amélioration du rendement, la résistance aux parasites et maladies, la tolérance envers des météos néfastes, telles que sècheresse, trop de pluies, gel. Les autres défis tout aussi importants visent les conditions dans les quelles vivent et travaillent les producteurs/ fermiers et cueilleurs, avec la nécessité de leur garantir un revenu convenable tout en trouvant un équilibre entre le coût d’une main d’œuvre agricole compétente et l’introduction d’une certaine mécanisation.
Rappelons que le numéro un mondial de l’industrie du thé est l’Anglo- néerlandais Unilever, avec les marques Lipton, PG Tips, et puis aussi Eléphant, Pukka, Tazo, T2, et qui représente plus de 11% du CA des ventes mondiales de thés industriels. Pour assurer son développement continu Unilever a toujours su recruter les meilleurs et les plus fortes têtes. Avec des budgets conséquents et accès aux centres de recherche et aux technologies ultra performants ces fortes têtes peuvent acquérir des connaissances d’un niveau  exceptionnel, accumuler des expériences extraordinaires sur le terrain, se forger à la fois une vision globale et une appréciation d’initié, bref se construire un savoir et un savoir faire hors du commun. Cela finit souvent par faire craquer le moule et les catapulte sur une trajectoire nouvelle, la création de leur propre entreprise. C’est ainsi qu’en 1990 Nigel Melican a fondé «Tea Craft », une société de Conseil ès Thé, à Bedford, environ 75km au nord de Londres.
et y propose des interventions avisées de la plantation des arbustes à la transformation des feuilles, couvrant le parcours complet du jardin à la tasse.
 L’objectif principal : résoudre les problèmes et faire mieux qu’avant, avec des technologies nouvelles, voire innovantes, un réel souci pour le respect de l’environnement, une prise en compte de la responsabilité sociale. Nigel Melican se déplace toujours en personne pour voir sur place avec les responsables locaux ; son approche est toujours créative, basée sur sa vaste expérience et une compréhension intuitive de cette espèce aux nombreuses variétés endémiques et cultivars, qui s’épanouissent en fonction des nombreuses configurations de terroirs climatiques et de terrains géo-agricoles. Il a aussi une fine connaissance des demandes des marchés consommateurs et suit de très près les progrès dans le domaine de l’équipement mécanique, pour les champs, la cueillette et la transformation . Ainsi et depuis le lancement de « Tea Craft », il y aura bientôt 30 ans , il a prodigué ses conseils et son expertise pour de nombreux projets de théiculture et de productions spécifiques de thés spéciaux et premium dans 26 pays. Ses propositions éclairées ont par ailleurs été à l’origine d’une importante initiative lançant plusieurs plantations de thé aux USA.

Choisi pour recevoir le Life Time Achievement Award 2018 lors de la World Tea expo à Las Vegas le 12 juin passé il a été acclamé comme magicien du thé ou « tea whisperer », l’expert qui sait instinctivement ce dont la plante a besoin, en sol, humidité, lumière, voisinage, taille, process pour mettre en valeur sa feuille, pour bien prospérer et être le mieux valorisée.
Une belle et longue carrière, qui a apporté des innovations et améliorations à de très nombreux projets, dont la plupart petits, pointus et à taille humaine. Pour honorer cet éventail de compétences l’Université Agricole de Tocklai, Assam, lui a octroyé une chaire d’enseignant scientifique à vie.
PS : en juin 2015 la NPT no 53 vous avait présenté une autre forte tête issue des rangs des whiz kids chez Unilever : Barry Cooper, de Cooper Tea, installé à Boulder Colorado, USA.





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