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N°66 Art.1 Un bourgeon et deux feuilles, le mantra de l’excellence

Depuis quelques années les thés en feuilles, que l’on nomme aussi plus prosaïquement les thés en vrac, occupent une part croissante du marché en France, estimée à plus de 10% du volume total par Olivier Scala, le Président du Comité Français du Thé, ce qui est considérable. Une tendance qui semble se confirmer vers plus de thés fins et de thés d’origine, que les amateurs de thé comprennent de mieux en mieux et apprécient de plus en plus. C’est donc intéressant de regarder de plus près comment s’applique ce « mantra » de cueillette fine et comment il est géré dans le quotidien des plantations.

Bien sur tous les connaisseurs savent qu’il y a deux grandes familles de théiers,
**les camellias sinensis var.sinensis : les théiers à port buissonnant originaires de Chine, aux petites feuilles assez vernissées  et qui se portent à merveille en altitude, et qui ont besoin d’une période de dormance en hiver et offrent des tasses aux multiples senteurs et flaveurs qui éclatent à la reprise de la végétation au printemps ; les experts disent que ces tasses du printemps ont souvent plus de nez que de bouche, mais heureusement souvent elles ont les deux
**les camellias sinensis var.assamica : les théiers au port arbustif, originaires du triangle d’or du thé, qui va du Yunnan en Chine à l’Assam en Inde, passant par le Nord du Vietnam, le Laos et la Thaïlande, qui n’ont pas toujours besoin de dormance et qui possèdent généralement des grandes feuilles souples et peuvent supporter les chaleurs torrides des plaines et n’aiment pas beaucoup les frimas.

Chaque fois que l’on cherche à annoncer une règle en matière de thé on constate qu’il y a tellement de situations spécifiques et d’exceptions, que la règle semble vacillante dès le départ. Ainsi font partie de la grande famille des assamica les théiers Puer, qui grimpent pourtant jusqu’à plus de 2000m dans les chaînes de montagne qui fourchent le Yunnan et dont les cueillettes printanières sont d’une finesse succulente incroyable, avec leurs premiers bourgeons velus, couverts d’un duvet blanc.
Les théiers font montre d’une vigueur incroyable et génèrent des nouvelles pousses environ tous les 15 jours, à condition de bien les entretenir, donc de les tailler régulièrement et de ne pas les laisser fleurir. Ces arbustes et petits arbres font donc l’objet d’une cueillette régulière, en anglais on appelle cela « picking round », en sorte que les feuilles que vous trouvez dans vos tasses sont toujours jeunes et tendres. Et donc pour les thés de qualité le principe établi selon une expérience séculaire prévoit que les cueilleuses- effectivement les femmes des villages dans la plupart des pays d’Asie- ne prélèvent que les bourgeons et les deux feuilles, qui sont les plus tendres et les plus riches en saveurs et substances bénéfiques.
En Chine, où il y a une tradition millénaire et un nombre important de thés de terroir il y en a pour les quelles les cueillettes premium ne prélèvent que le bourgeon, ou alors le bourgeon et une feuille, mais ce sont des exceptions et ces thés sont assez rares et chers en sorte que l’on en trouve que peu à l’export. Les thés fins sont donc généralement cueillies manuellement, par les milliers, voire millions de petits fermiers, qui apportent leur récolte aux usines des coopératives et des grandes sociétés.
voilà pour le tri des feuilles prélevées


Il est bon de savoir que ces règles de bonne cueillette s’appliquent aussi aux thés CTC, les thés noirs que l’on passe dans les tambours à déchiqueter pour favoriser une oxydation régulière et rapide. Ces thés que l’on pourra mettre en sachet ou vendre en vrac sont très recherchés dans les pays du Moyen Orient et en Asie Centrale.
 Par le fait de la cueillette manuelle sélective et sur des théiers bien entretenus on obtient des tasses aux fortes saveurs et bien colorées, parfaites avec un peu de lait. Sans amertume ni astringence ces tasses délicieuses se payent au prix fort, à condition que les directeurs des manufactures veillent au contrôle suivi des cueilleurs.
l'équipe qui contrôle 

Pour vous montrer comment cela fonctionne en pratique voilà une expérience toute récente en Indonésie, à West Java:  une équipe qui est relayée toutes les six heures va contrôler des prélèvements de 200g de feuilles par groupe de 60  cueilleurs, dans cette plantation où on ramasse environ 50 tonnes de feuilles fraîches par jour. Rapidement les feuilles de cet échantillon vont être réparties dans une boîte à six cases avec l’objectif de voir au moins 50% dans les 3 cases qualité ; si non le lot est éliminé. C’est impressionnant à observer, cela va vite, tous les lots sont contrôlés ! Et ces thés sont tellement bons et demandés que les clients les payent à la commande pour être certains de les recevoir, bravo !!
Tout le secret réside donc dans une cueillette nette et sélective qui ne ramasse que des feuilles entières, sans blessure ni flétrissure, portées à l’usine rapidement dans des paniers, sacs etc qui évitent tout écrasement et donc oxydation anticipée. Ces exigences font partie du débat sur la mécanisation des récoltes, car jusqu’ici les outils n’ont pas encore l’habileté de la main des cueilleurs.
Lors de vos achats vous pourrez normalement constater la qualité de la cueillette en regardant les feuilles sèches, si non c’est après l’infusion, en dépliant les feuilles réhydratées. 


Dans certaines maisons de thé on  vous sert la théière préparée et à côté les feuilles infusées, vous permettant ainsi de vous rendre compte -en direct,de près et en nature- de la qualité de votre boisson ; merveilleusement instructif ! et également délicieusement aromatique !



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