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No 69 Art.6 Le Gongfucha devenu incontournable pour les tasses de qualité


Un exposé très richement documenté et présenté par Lawrence LC Zhang, Assistant Professor in Humanities à l’Université de Hong Kong, retrace le développement du Gongfucha, qui est en passe de devenir la méthode universelle pour préparer les tasses de qualité en Chine et dans le monde.

Le principe de base préconise une grande quantité de feuilles de thé qui est infusée dans un très petit récipient, la liqueur est dégustée dans de très petites tasses, contenant environ 3 gorgées ; selon la variété des feuilles des multiples infusions sont possibles; un récipient égalisateur permet de répartir la liqueur de manière équitable entre les convives, il peut y avoir aussi des tasses à sentir et des outils en bambou, l’ensemble disposé sur un bateau à thé.
Cette manière de préparer la tasse est donc très différente de la manière occidentale, qui infuse environ 3gr par convive dans une théière de bonne taille et cela une seule fois, pour boire ensuite dans des tasses contenant environ 100 ml.
Lawrence LC Zhang nous apprend que le Gongfucha s’est développé dans une petite région côtière de la Chine du sud, autour de la ville de Chaozhou, dans la province du Guangdong, où l’on récolte depuis plus de 600 ans les célèbres thé wulong, que l’on appelle "Fenghuang Dancong". Les Monts Phenix (Fenghuang Shan) sont une région montagneuse entre le Guangdong et le Fujian, dominée par le pic du Mont Wudong, au pieds du quel se trouve la ville de Chaozhou. Sur ses pentes prospèrent les impressionnants théiers anciens et arbustifs, jadis cultivés à partir de graines d’une sous-variété locale aux grandes feuilles précoces et particulièrement aromatiques, nommée camellia Shuixian. Les amateurs de Chaozhou ont donc bénéficié depuis longtemps de thés d’une qualité réellement exceptionnelle, ce qui explique peut- être qu’ils ont pris l’habitude de les préparer d’une manière particulière, pour mettre totalement en valeur à la fois leurs arôme et saveurs aux notes subtiles de miel, d’orchidée, de cannelle, de fleurs de gingembre etc.

Or Lawrence LC Zhang nous dit qu’il y a trente ans cette manière que l’on appelle maintenant Gongfucha était totalement inconnue en dehors de la région de Chaozhou. Selon ses recherches ces pratiques de Chaozhou ont été introduites à Taiwan par des réfugiés politiques et autres émigrés des régions côtières et y ont rapidement suscité un réel engouement. Après l’apaisement des fureurs des perturbations politiques en Chine continentale il était devenu souhaitable de trouver des moyens vers un retour aux traditions culturelles, de rétablir un "Art du Thé" pour valoriser le produit. Il fallait aussi faire oublier la mauvaise image des "maisons de thé à l’ancienne",où se bagarraient des querelleurs, joueurs de carte et autres débauchés. L’introduction d’un nouveau concept, le Chayi, l’art du thé, a permis le premier pas vers ce retour. Il fallait ensuite enrichir la manière de faire de quelques empreints de la cérémonie japonaise du Senchado pour mettre au point un esthétique du gestuel et de la qualité et disposition des ustensiles. Ainsi il devenait évident que cet art de la préparation du thé nécessitait un enseignement et puis une pratique quotidienne. Et c’est donc par Taiwan que le Gongfucha fait son retour en Chine continentale, vers les années 2002, quand la chaîne taiwanaise Ten Ren commence à y investir massivement. De nos jours il y a plus de 1300 maisons de thé Ten Fu/ Ten Ren dans toutes les grandes villes de Chine, qui pratiquent le Gongfucha.

Faire "revivre" aujourd'hui le Gongfucha, comme la pratique traditionnelle et cérémonie incontournable pour les thés en feuilles de qualité peut être considéré comme un exemple superbe d’une opération de marketing bien ciblée, parfaitement menée et complètement réussi. Bien sûre persistent des pratiques locales, que l’on maintient avec attention. Mais le Gongfucha a permis de franchir le vacuum, de transcender les ruptures et turbulences du siècle passé et de redonner toute sa gloire aux dix mille thés de Chine en leur offrant un écrin prestigieux.

La pratique du Gongfucha est enseignée par de nombreux instituts publics et privés, dans les universités, même   les enfants l’apprennent dans certaines écoles. Sa mise en valeur se poursuit à travers des compétitions régionales, nationales, internationales confrontant le Gongfucha aux autres cérémonies du thé, telles que pratiquées au Japon et en Corée notamment. Partout dans le monde on trouve aujourd’hui les accessoires nécessaires pour cette préparation délicate de la tasse, devenue universelle et incontournable et qui accompagne une offre de thés de Chine de qualité.

Un long article très érudit de LLC Zhang :“A Foreign Infusion: The Forgotten Legacy of Japanese Chadō on Modern Chinese Tea Arts”a été publié  dans la revue "Gastronomica" spring 2016.

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