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N°49 Art.5 "Le Lapacho, l’arbre sacré des Incas"

   Par Dominique Cairol

Dans notre histoire l'utilisation des produits végétaux disponibles s'est faite au fur et à mesure de l'évolution des courants d'échanges. L’Europe étant naturellement reliée à l'Asie, c'est de  ce continent que sont venus les premiers apports, puis avec l'Afrique et enfin avec l'Amérique, dernier continent découvert. Si l'on doit à l'Amérique, et en particulier à sa partie sud, des introductions majeures pour notre alimentation, comme la pomme de terre, les tomates les haricots, le maïs, ce continent révèle par ailleurs  une richesse floristique inégalée dont nous vous donnons un exemple ci-dessous : le lapacho ou Pau d’arco, un  arbre tropical de la forêt pluvieuse.
un arbre magnifique

Aspects historiques : Lorsque les premiers Européens sont arrivés au Brésil, les propriétés du bois de cet arbre étaient connues depuis très longtemps  des populations indiennes, en particulier de la population Kallawaya (Kallawaya signifie en quechua « celui qui porte des plantes sur le dos).  La décoction d'écorce interne était utilisée contre tout un ensemble de maux, fièvre, infections, douleurs de l'appareil digestif etc...Ces populations s’en servaient aussi comme antidote aux morsures de serpents ou d’insectes, comme antidouleur et   laxatif.
Les indiens utilisaient le bois de l’arbre pour faire des arcs (d'où le nom Pau d'arco) .
l'écorce du Lapacho

On signale en 1873, pour la première fois l'intérêt du Red Lapacho (“Pau D’Arco”) en médecine(1). Mais ce fut à partir des années 1960 que l'United States National Cancer Institute (NCI) entreprenant de façon systématique des travaux sur des extraits de plantes anti cancéreuses, que la Lapacho fut vraiment  reconnu pour ses caractéristiques. En 1967 après des articles de presse il intéressa de plus en plus le corps médical. Le journal O’Cruzeiro fit des reportages à sensation rapportant des guérisons miraculeuses contre le cancer.
Aspects botaniques :Le Lapacho ou arbre sacré des Incas (Tabebuia impetiginosa (Mart. ex DC.) Standl.) est un genre appartenant à la famille des Bignoniacées. Dans cette famille deux genres sont connus en France pour leurs caractéristiques décoratives :
-le genre  Campsis ou trompette de Virginie, aussi connu sous le nom de Bignone, liane aux fleurs orangées.
- le genre Catalpa très utilisé dans nos jardins comme arbres d'ornement avec sa floraison  blanche et ses fruits en forme de haricots.
Les références sur le genre Lapacho  étant relativement peu nombreuses ( surtout en français) il est important de connaître ses autres dénominations botaniques pour ceux qui le souhaitent, notamment :
·        Gelsemium avellanedae (Lorentz ex Griseb.) Kuntze
·        Handroanthus avellanedae (Lorentz ex Griseb.) Mattos
·      Tabebuia avellanedae Lorentz ex Griseb.
·      Tabebuia dugandii Standl.
·      Tabebuia ipe var. integra (Sprague) Sandwith
·      Tabebuia nicaraguensis S.F.Blake

Le Lapacho est un arbre qui mesure jusqu'à 30 mètres de haut et pousse dans les forêts tropicales de l’'Amérique. Son tronc peut atteindre 2m de diamètre.
Il produit des feuilles palmées et divisées en cinq folioles oblongues. En mai, apparaissent ses fleurs de 10 cm de long, en entonnoir, roses foncées, regroupées en panicules, particulièrement décoratives. Les fruits qui en résultent sont des capsules lisses renfermant des graines.
Son aire de distribution est assez large :il y en a au Mexique et puis en Amérique centrale ( Costa Rica,  El Salvador , Guatemala , Honduras , Nicaragua, Panama) et en Amérique du sud ( Guyane française, Suriname, Venezuela, Brésil, Bolivie, Colombie, Pérou,  Argentine,  Paraguay).

Les principes actifs du lapacho

La plante contient principalement des composés chimiques comme les quinoïdes, (anthraquinones, furanonaphthoquinones, lapachones, et naphthoquinones et une petite quantité de composés benzéniques et de flavonoïdes. En 1968 une étude a démontré que le lapachol avait une activité significative   sur des tumeurs cancéreuses des rats. Après différents travaux de recherche il est apparu que   les composés chimiques les plus actifs  étaient des extraits des écorces et du bois : les naphtoquinones, le lapachol et le  β-lapachone. (2)(3)
en herboristerie

L’utilisation en médecine :     

Comme nous l'évoquions dans la partie historique cette plante médicinale était employée dans la pharmacopée traditionnelle amérindienne et précolombienne, pour traiter les morsures de serpent, réduire les fièvres et sous forme de boissons stimulantes immunitaires contre la malaria et les ulcères, les anémies et la colite, grandement efficace dans les problèmes respiratoires, tel que la grippe et la toux et pour tous les troubles des rhumatismes ainsi que l'arthrite.
Encore de nos jours, l’écorce du lapacho reste populaire auprès des Brésiliens qui en font usage pour combattre toutes sortes d'infections, notamment les gastro-entérites, les infections des voies respiratoires, les infections cutanées, la cystite et la vaginite. Les herboristes locaux le recommandent également pour combattre le cancer. Sa teneur en anti oxydants lui confère sans doute ses propriétés.(5)
Son utilisation comme médicament butte sur plusieurs problèmes. Nous en  retiendrons deux : la toxicité et la qualité du produit.
Les scientifiques se sont rapidement heurtés à des problèmes de toxicité. En effet, le lapacho pris isolément peut notamment entraîner une anémie et inhiber la coagulation sanguine. En effet le lapachol est proche de la vitamine K. Il est d'ailleurs déconseillé de prendre des décoctions de lapacho aux hémophiles. Actuellement, la communauté scientifique s'intéresse à d'autres quinones du pau d'arco, notamment l'alpha et le bêta-lapachone, ainsi qu'à certains de leurs dérivés
en tisane

L’utilisation alimentaire :

Pour une utilisation alimentaire le lapacho se présente sous forme d'écorces brutes plus ou moins broyées. La tisane de lapacho doit se faire obligatoirement en décoction si vous souhaitez que votre boisson  contienne des produits actifs. En effet le lapachol et les autres quinones ne sont pas très solubles dans l'eau. Les écorces et les éléments boisés doivent bouillir  entre 8 et 10 minutes (2 cuillères à café de produits pour un litre d'eau) et ensuite laisser infuser 20 minutes.
La tisane  de lapacho à un goût boisé avec une note de vanille et une légère amertume en fin de bouche, cela ressemble un peu à une infusion  de rooïboos, ce qui le rend agréable à consommer.


Si vous voulez en savoir plus

1- Castellanos Rumen Gomez, Prieto josé , Heinrich M. -2009-  A global ethnopharmacological commodity ?  Journal of ethnopharmacology, volume 121 , issue, 1, 12 january 2009 ,pages 1-13.

2 - Park, B. S., et al. 2005 Antibacterial activity of Tabebuia impetiginosa Martius ex DC (Taheebo) against Helicobacter pylori.J. Ethnopharmacol. 2005 Dec;

3- Giuraud, P., et al. - 1994 -  Comparison of antibacterial and antifungal activities of lapachol and b-lapachone.” Planta Med. 1994; 60: 373–74.

4- Portillo, A., et al. - 2001- Antifungal activity of Paraguayan plants used in traditional medicine. J. Ethnopharmacol. 2001; 76(1): 93–8.
5 - Park, B. S., et al.- 2003 -  Antioxidant activity and characterization of volatile constituents of Taheebo (Tabebuia impetiginosa Martius ex DC). J. Agri. Food Chemi. 2003 Jan 1;51(1):295-300.



 




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